Les stratégies des trois nouveaux groupes semenciers mondiaux, Bayer, Corteva Agriscience et BASF, commencent à se préciser.
L'année 2018 a été marquée par un grand chamboulement dans le top 5 des semenciers mondiaux. Après le rachat de Monsanto par Bayer, la fusion de DuPont et Dow, la cession d'actifs de Bayer à BASF, les groupes recomposés ont provoqué une redistribution des cartes sur l'échiquier des semences. Même si les résultats sont très difficiles à comparer en année de rachats et fusions, et avec des clôtures d'exercice à des dates qui ne coïncident pas forcément, Bayer, qui réalise désormais la moitié de son chiffre d'affaires dans les semences, est probablement le nouveau numéro 1 mondial dans ce domaine, comme l'était jusqu'à présent Monsanto.
DuPont Pioneer et l'activité semences de Dow réunis devraient permettre à Corteva Agriscience de se maintenir à la deuxième place sur le podium, sachant que l'écart avec le premier se réduit fortement. Sans changement, Syngenta reste numéro trois, devant le groupe français Limagrain, mais au coude à coude avec KWS et désormais BASF, propulsé en une seule opération parmi les six premiers semenciers mondiaux.
Cinq européens dans le top 6
À noter que le continent européen reprend largement le leadership dans l'actionnariat des groupes semenciers. Parmi les six premiers groupes mondiaux, cinq sont européens, puisque seul Corteva Agriscience est américain. Parmi les cinq européens figurent trois allemands, Bayer, BASF et KWS, un suisse, Syngenta, et un français, Limagrain.
Dans les groupes issus des fusions ou des regroupements, les équipes prennent leurs marques, et les stratégies sont en train d'être affinées.
Que représentent les semences aujourd'hui chez Bayer, après le rachat de Monsanto ?
Frank Garnier : Au niveau mondial, notre portefeuille combiné réunit des semences et des traits exceptionnels, un domaine dans lequel Monsanto était leader, avec la protection chimique et biologique des cultures, points forts de Bayer. Associées à nos outils numériques, la plateforme Climate Corporation, et nos connaissances agronomiques, ces capacités nous permettront de développer des solutions personnalisées qui répondent aux besoins spécifiques de nos clients.
L'actif semences représente 50 % de nos activités, avec un focus sur les grandes cultures, maïs, soja, colza, coton... et les potagères. Et ce, malgré les désinvestissements des activités potagères Nunhems et d'activités grandes cultures à BASF afin de répondre aux demandes des autorités de régulation de la concurrence. En France, nous développons, sous la marque Dekalb, des semences de maïs et colza où Bayer est l'un des leaders, et sous les marques Seminis et De Ruiter, des semences potagères.
Quelle est la stratégie du groupe en semences à court et moyen termes ?
F. G. : Il n'est pas encore possible de vous répondre, nous commençons notre processus d'intégration et devons prendre le temps de mieux connaître les opportunités proposées par les portefeuilles réunis. Plus généralement, nous fournissons des solutions pour accompagner les agriculteurs dans la réussite de leurs cultures via des solutions de pointe. Pour nous, les partenariats avec les agriculteurs, distributeurs, entreprises agroalimentaires et institutions publiques, sont essentiels à la mise en oeuvre de pratiques agricoles durables et à la création de valeur ajoutée. Nous sommes en mesure d'innover plus rapidement que toute autre entreprise de ce secteur, et de fournir des solutions combinées adaptées aux besoins des agriculteurs.
Comment l'activité semences est-elle organisée ?
F. G. : Les semences sont regroupées avec les activités protection des plantes sous la division Crop Science. Celle-ci s'appuie sur quatre piliers, les produits phytosanitaires de synthèse, l'innovation génétique, les sciences des données et les produits de biocontrôle. Géographiquement, nous sommes organisés en quatre régions et la France est le premier pays contributeur de la région EMEA Crop Science. Crop Science investit davantage dans la R&D que toute autre entreprise du secteur avec un montant d'environ 2,4 Mds$ par an. En France, nous nous appuyons sur huit sites de recherche, du breeding à la poursuite de solutions contre les maladies des plantes. Nos points forts sont un ancrage territorial qui assure une proximité avec l'ensemble des acteurs et une meilleure compréhension des besoins et enjeux économiques, environnementaux et sociétaux, la passion de nos salariés et notre expertise dans les technologies de pointe.
BASF était jusqu'à maintenant entré timidement dans le monde des semences. Avec le rachat cet été d'une partie des actifs de Bayer dans ce domaine, le groupe allemand en devient un acteur majeur. Pourriez-vous nous rappeler comment BASF était présent, jusqu'à cette année, dans les semences ?
Gilles Richard : Nous n'avions pas d'activité de ventes de semences à proprement parler, mais nous développions des traits comme des gènes de résistance à la sécheresse sur maïs sur le continent américain. En Europe, nous étions présents par le biais des deux technologies de variétés tolérantes aux herbicides développées de longue date à l'échelle mondiale, Clearfield en tournesol et colza, et Duo System en maïs.
Quels actifs le groupe BASF a-t-il repris à Bayer dans le domaine des semences ?
G. R. : Nous avons racheté ses activités colza de printemps en Amérique du Nord, colza d'hiver en Europe et les traits de résistance au glufosinate Liberty Link, ce qui fait de nous le leader mondial de la sélection du colza. Nous avons acquis le programme de sélection de blé hybride, un très grand projet de développement en céréales, avec ses stations en Amérique et deux sites de R&D en Europe, un en Allemagne et un à Milly-la-Forêt, au sud de Paris. Nous avons aussi repris des programmes en coton et soja en grandes cultures, et la filiale en semences potagères de Bayer, Nunhems.
Quels niveaux d'investissement et de volume de chiffre d'affaires ces actifs représentent-ils ?
G. R. : Au total 7,6 milliards d'euros avec l'herbicide glufosinate d'ammonium, l'insecticide en traitement de semences clothianidine développé sur maïs, tournesol et coton hors Union européenne, l'antinématodes biologique Bacillus Firmus, quelques produits à usage industriel et la plateforme digitale xarvio. L'ensemble correspond à un chiffre d'affaires de 2 Mds€, dont 1,3 à 1,4 Mds€ dans les semences. 4 500 employés ont été transférés à BASF, de même que plus de 200 sites de production et 17 sites de R&D, dont celui de Milly-la-Forêt.
Quelle est désormais la stratégie de BASF dans les semences en Europe et en France, et comment le groupe va-t-il s'organiser ?
G. R. : C'est encore très récent mais, en grandes cultures, notre objectif est clairement d'être un acteur significatif en colza et de lancer des blés hybrides avec un effet hétérosis important. Quant à l'organisation, nous sommes en réflexion sur la façon dont nous fonctionnerons pour la prochaine campagne. En France, entre le siège à Écully et le site de Milly-la-Forêt, l'équipe semences de BASF représente entre 50 et 60 personnes hors Nunhems. Personnellement, je suis épaulé par Murielle Moille, responsable du service agronomique.